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Les Prestataires De Services Etrangers Sont Désormais Assujettis Au Paiement Des CentimesAdditionnels Communaux Selon La Nouvelle Loi Portant Fiscalité Locale Au Cameroun : TaxerA Tout Prix ?

En plus de la loi de finances, l’actualité fiscale camerounaise de l’année 2025 a été marquée par une
réforme majeure de la fiscalité locale avec l’adoption de la loi n°2024/020 du 23 décembre 2024
portant fiscalité locale. Cette nouvelle loi a modifié en profondeur la fiscalité locale camerounaise,
jugée obsolète car, instituée depuis la loi n°2009/019 du 15 décembre 2009. Parmi les nombreuses
innovations de cette nouvelle loi, une se distingue singulièrement : il s’agit du prélèvement des
Centimes Additionnels Communaux (C.A.C) sur la Taxe Spéciale sur le Revenu (TSR). Cette réforme
résulte du nouvel article C 82 alinéa premier de ladite loi en ces termes : « Il est institué au profit des
communes, des centimes additionnels communaux sur les impôts et taxes ci-après : (…) les droits
d’accise, la taxe spéciale sur le revenu, les droits d’enregistrement sur la commande publique ».
L’article C 83 alinéa 2 du même texte précise que ces centimes additionnels sont calculés sur le
principal de la TSR au taux de cinq pour cent (5%). Si cette innovation ne soulève à l’évidence aucun
problème pour ce qui est des droits d’enregistrement sur la commande publique et des droits d’accises,
elle est tout de même sujette à équivoque au regard de la TSR qui est un impôt des non-résidents. Il
s’agit donc là, d’une véritable incongruité sur le plan du droit pour trois raisons fondamentales. En
effet, cette mesure consiste à appliquer un impôt local aux personnes non-résidentes et à accroitre le
taux de la TSR, ceci au mépris des conventions fiscales signées par le Cameroun.

Tout d’abord, les CAC ont traditionnellement été conçus pour être à la charge des usagers des services
fournis par les collectivités locales. Ils s’appliquent donc par nature uniquement aux résidents fiscaux
camerounais, qui seuls sont susceptibles de bénéficier des services rendus par les Collectivités
Territoriales Décentralisées (CTD). Or, en matière de TSR, l’article 225 alinéa 1 du CGI dispose que :
« sous réserve des conventions fiscales internationales, il est institué une taxe spéciale sur les revenus
servis aux personnes morales ou physiques domiciliées hors du Cameroun, par les personnes
physiques ou morales situées au Cameroun, l’État ou les collectivités territoriales décentralisées
(…) ». Ces dispositions révèlent sans ambages que la TSR incombe au prestataire étranger. Dans sa
posture de non-résident, le prestataire étranger ne peut bénéficier des services sociaux élémentaires
fournis par les collectivités locales. En conséquence, les CAC ne sauraient logiquement s’appliquer à
ce prestataire étranger. Quoi qu’il en soit, cette réforme constitue une véritable incongruité juridique
dénuée de toute logique.

Ensuite, cette nouvelle mesure entraine inévitablement un accroissement du taux de la TSR,
susceptible d’impacter négativement le climat des affaires au Cameroun. En effet, L’article C 83 alinéa
2 de la nouvelle loi dispose que les centimes additionnels sont calculés sur le principal de la TSR au
taux de cinq pour cent (5%). Ce qui revient à dire que les taux de la TSR prévus par l’article 225 ter du
Code Général des Impôts vont passer de 15 à 15,75% pour le taux général ; de 10 à 10,5% pour le taux
moyen et de 3 à 3,15% pour le taux réduit. Cet accroissement du taux de la TSR d’apparence
négligeable peut s’avérer très préjudiciable pour les redevables lorsque les paiements sont assez
importants. Ce qui constitue une véritable asphyxie fiscale pour les prestataires de services étrangers.
L’on est donc fondé à craindre que cet accroissement du taux de la TSR contribue à décourager lesdits
prestataires. Il est par ailleurs susceptible de freiner la croissance économique, quand on sait que la
majorité des services étrangers relèvent de l’assistance technique dont le but est de renforcer les
capacités de production des entités locales.

Enfin, en instituant les CAC sur la taxe spéciale sur le revenu, le législateur fiscal n’a pas tenu compte
des conventions fiscales internationales signées par le Cameroun. En effet, dans sa rédaction, le
législateur n’ayant pas subordonné cette mesure au respect des conventions fiscales internationales,
n’épargne vraisemblablement pas les prestataires étrangers établis dans les Etats ayant des conventions fiscales avec le Cameroun. Pourtant à l’analyse, aucune des conventions fiscales existantes ne prévoit
les CAC. La convention fiscale devant prévaloir sur la loi, cette nouvelle mesure ne sera pas
applicable aux prestataires étrangers des Etats ayant avec le Cameroun des conventions fiscales. L’on
se retrouverait donc dans une situation dans laquelle certains prestaires étrangers se verront appliquer
les CAC pendant que d’autres en seront dispensés. Une telle discrimination peut être source d’injustice
fiscale susceptible d’entrainer des inégalités économiques et sociales.

En conclusion le prélèvement des centimes additionnels communaux sur la Taxe Spéciale sur le
Revenu telle qu’instituée par la nouvelle loi portant fiscalité locale au Cameroun présente trois
inconvénients majeurs à savoir : le prélèvement d’un impôt local sur les personnes non-résidentes,
l’accroissement du taux de la TSR et la non prise en compte des conventions fiscales internationales
signées par le Cameroun. L’application de cette mesure pourrait donc décourager l’investissement et
entraver la croissance économique. Il s’avère donc nécessaire pour l’administration de surseoir à son
application, et pour le législateur d’envisager la modification de la loi en vue de dispenser les
prestataires étrangers des CAC. Ceci permettra de maintenir un meilleur équilibre entre la volonté de
promouvoir le développement des collectivités locales et la nécessité d’encourager l’activité
économique au Cameroun.

Auteurs : Jean Didier Ozoto, Tax & Legal Consultant ; Superviseur : Albert Désiré Zang, Managing
Partner
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