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L’exonération douanière sur les équipements et matériels d’énergie solaire accordée par la loi de finances 2024 à l’épreuve de la pratique

En vue de porter la production de son électricité à base d’énergie écologique à 25% et de réduire ses
émissions de GES de 32% à l’horizon 2035, le Cameroun a axé sa politique de protection de
l’environnement sur la promotion des énergies renouvelables. C’est dans cette logique que le
législateur fiscal a accordé une exonération de droits et taxes de douane à l’importation sur un
ensemble de matériels et équipements dans les secteurs dits prioritaires, notamment celui des énergies
renouvelables ; eu égard à leur vocation et leur capacité à augmenter le rythme de la croissance. Celle-
s’y a été introduite à travers l’alinéa 1ᵉʳ de l’article CINQUIÈME de la loi de finances 2024. Il s’agit
d’une exonération de 24 mois. Comme indiqué dans notre article du mois de février, la loi ne pose que
deux conditions pour en bénéficier : d’une part, que les biens concernés apparaissent sur la liste fixée
par le Ministre en charge des finances ; et d’autre part, que les importateurs s’engagent à répercuter
ladite exonération au consommateur final. Il s’agit donc vraisemblablement d’une exonération de plein
droit, réputée accordée à partir de la publication de la liste du Ministre des Finances.
Malheureusement, il y a lieu de constater qu’en pratique, l’administration des Douanes exige en vue
du bénéfice de ladite exonération, d’adresser une demande au DGD, menaçant de réprouver le
bénéfice de l’exonération pour défaut d’introduction de cette dernière. L’administration crée donc une
condition non prévue par la loi. Une telle approche repose sur des bases juridiques fallacieuses.

En effet, la demande de bénéfice d’exonération exigée par l’administration des douanes est illégale à
plusieurs égards. D’abord Le législateur n’ayant pas laissé la possibilité de prendre un tel acte, l’on est
en droit de se demander sur quel fondement l’administration des douanes exige-t-elle ladite demande
préalable. Quand on sait qu’une demande peut donner lieu à une acceptation ou à un rejet, doit-on
considérer que le DGD peut refuser d’accorder le bénéfice de l’exonération consacrée par la loi ? Dans
l’affirmative, il s’agirait d’une véritable incongruité, d’autant plus que même la Circulaire
d’application des dispositions douanières de la loi de finances 2024 signées par le Directeur Général
lui-même ne fait allusion à aucune demande en vue de bénéficier de l’exonération. Ensuite, il convient
de relever que cette pratique administrative est contraire à la loi et viole formellement des principes
fondamentaux du droit. Le premier est celui de la juridicité, principe de droit administratif qui veut
que les autorités administratives exercent leurs compétences dans le respect des règles juridiques qui
leur sont supérieures. Ce principe exige donc la conformité et la compatibilité entre l’action de
l’administration des douanes et la règlementation en vigueur, en l’occurrence la loi de finances. Le
deuxième est le principe général de droit selon lequel il est interdit de distinguer ou la loi ne distingue
pas. Ce principe quant à lui interdit à celui qui interprète ou applique la loi d’introduire des exceptions
ou des conditions non prévues par le législateur. La loi de finances n’ayant pas conditionné le bénéfice
de l’exonération à une quelconque demande, il n’appartient pas à l’administration des douanes d’en
exiger. Une telle pratique constitue une véritable entorse à la garantie de l’État de droit. Enfin, il y a
lieu de constater que l’impôt étant du domaine de la loi et le DGD s’étant inscrit en marge de la loi de
finances, il s’agit d’un acte administratif faisant grief, sans valeur juridique et pouvant donner lieu à un
recours en annulation pour excès de pouvoir.

Au demeurant, la demande exigée par l’administration douanière en vue bénéficier de l’exonération
des droits et taxes de douanes à l’importation sur les matériels et équipements de production de
l’énergie solaire est illégale. Il revient donc impérativement à l’administration des douanes de se
départir de cette exigence qui est préjudiciable aux opérateurs du domaine de l’énergie solaire. Ce qui
permettra que cette mesure fiscale de faveur consentie par loi contribue véritablement à la promotion
des énergies renouvelables.

Auteur : Jean Didier Ozoto, Tax & Legal Consultant ; Superviseur : Albert Désiré Zang, Managing
Partner

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