
En vue d’assurer la collecte de l’impôt, chaque législation détermine selon son contexte socio-
économique, le système fiscal qui lui semble optimal. Le législateur fiscal camerounais a opté pour un système déclaratif. Il consiste pour le contribuable à déclarer et payer les impôts calculés sur une base d’imposition qu’il a lui-même déterminée. Une telle liberté est susceptible d’amener certains
contribuables à amoindrir le montant de leurs impôts en déclarant des bases inexactes. Le contrôle fiscal apparaît alors comme un contrepoids à cette liberté du contribuable. Celui-ci consiste pour
l’administration fiscale à vérifier et corriger les omissions totales ou partielles constatées dans l’assiette de l’impôt, les insuffisances et inexactitudes ou les erreurs d’imposition. Seulement, soucieuse de la collecte maximale de l’impôt, l’administration fiscale se retrouve quelquefois coupable de certains abus souvent préjudiciables au contribuable lors de ces contrôles fiscaux. Heureusement, le législateur fiscal Camerounais s’est engagé depuis quelques années, dans un processus de modernisation et de renforcement des droits et garanties du contribuable, en mettant sur pied de nouveaux mécanismes. C’est dans cette logique que les lois de finances de 2021 et 2023 et leurs circulaires d’application prévoient des privilèges au profit du contribuable lors des contrôles fiscaux. Il s’agit des nouvelles prérogatives permettant au contribuable de recourir à l’Administration soit pour que celle-ci tranche des divergences d’opinions avec les inspecteurs vérificateurs lors des contrôles en cours ; soit alors pour obtenir l’exemption du contrôle fiscal. Dès lors, il convient de s’interroger sur le contenu exact de ces privilèges. La réponse à cette question nous amène à analyser séparément le recours à l’arbitrage du Directeur Général des Impôts (DGI) (I) et la dispense de contrôle fiscal (II).
I. Le recours à l’arbitrage du Directeur Général des Impôts
Introduit par la Loi de Finances pour l’exercice 2023, le recours à l’arbitrage du Directeur Général des
Impôts (DGI) représente un véritable moyen de protection des intérêts du contribuable au cours du
contrôle fiscal. Par ce mécanisme, le contribuable a le droit de saisir directement le DGI afin qu’il
tranche sur certains chefs de redressements envisagés par les agents de contrôle. Ceci est admis lorsque les divergences de vue entre le contribuable et le service en charge du contrôle sont manifestes, et que les niveaux d’imposition envisagés sont de nature à préjudicier la poursuite de l’activité du contribuable. C’est ce qui se dégage de la lecture minutieuse de l’article L 28 bis du Livre des Procédures Fiscales (LFP). Ce droit de saisine du DGI peut être exercé par le contribuable ou par le service en charge du contrôle fiscal avant l’émission de l’avis de mise en recouvrement. Le mérite de l’arbitrage du DGI résulte de ses deux conséquences fondamentales. Il s’agit d’une part, de la suspension du contrôle fiscal et d’autre part, du réexamen des chefs de redressement envisagés par le service de contrôle. S’agissant de la suspension du contrôle, l’alinéa 2 de l’article L 28 du LFP précité révèle que la suspension prend effet partir de la réception de la demande d’arbitrage. De ce fait, tout acte de procédure accompli par le service de contrôle devient nul et de nul effet, tant que le DGI n’a pas rendu sa décision. Pour ce qui est des redressements, le recours à l’arbitrage du DGI permet au contribuable de bénéficier d’un réexamen contradictoire de ses observations et prétentions, par un service autre et hiérarchiquement supérieur à
celui initialement en charge du contrôle en cause. Ce qui lui permet de discuter à nouveau des faits et moyens que lui opposent les inspecteurs vérificateurs. Dans le souci d’une protection plus efficace du contribuable, la circulaire d’application de la Loi de Finances 2023 précise que si la décision du DGI est opposable au service de contrôle, le contribuable a quant à lui, la possibilité de la contester s’il la juge insatisfaisante. Il convient tout de même de relever que le recours à l’arbitrage du DGI obéit à une procédure bien définie qu’il faut respecter pour bénéficier des avantages qui y sont attachés. C’est également le cas en ce qui concerne la dispense de contrôle fiscal.
II. La dispense de contrôle fiscal au profit du contribuable
La loi de Finances pour l’exercice 2023 a instituée parmi ses innovations majeures, la possibilité d’être dispensé du contrôle fiscal. Ceci constitue également un moyen de protection et sécurisation des intérêts du contribuable. Définie à l’article L 41 bis du LPF, cette mesure permet au contribuable
d’échapper au contrôle pour un exercice fiscal donné. La dispense entraine à coup sûr, l’exemption de vérification et correction des omissions totales ou partielles constatées dans l’assiette de l’impôt, les insuffisances et inexactitudes ou les erreurs d’imposition. Ce qui entraine des économies d’impôts du fait de l’absence de redressements. Un tel privilège traduit la volonté affirmée du législateur de garantir la sauvegarde et la pérennité de l’activité du contribuable. Pour avoir une vue d’ensemble de ce mécanisme, il convient d’exposer son champ d’application et les conditions requises pour en bénéficier. S’agissant du champ d’application, la dispense s’applique à toutes les formes d’interventions prévues par le LPF, notamment la vérification générale ou partielle de comptabilité, la vérification de la situation
fiscale d’ensemble, la procédure de contrôle ponctuel ainsi que le contrôle sur pièces. Toutefois, sont
exclus du bénéfice de la dispense, les contrôles de validation des crédits de TVA, les constations des
avaries ainsi que, de manière générale, toutes les interventions à la demande expresse du requérant.
Concernant les conditions requises, le contribuable doit justifier d’une progression d’au moins 15% du montant de ses impôts payés d’un exercice à l’autre. C’est ce qui ressort de l’alinéa 1 er de l’article L 41 bis du LFP. Le taux de progression est constitué au sens de l’alinéa 2 de cet article, du montant total des impôts effectivement acquittés, majoré des redressements consécutifs aux contrôles fiscaux sur ledit exercice, le cas échéant. L’alinéa 3 du même texte exclut du taux de progression, le supplément de recettes résultant d’une habilitation à retenir à la source, d’une mesure fiscale nouvelle ou de l’entrée en exploitation d’une activité nouvelle. Par ailleurs, le législateur interdit au contribuable d’obtenir la dispense par une fraude avérée. A défaut, l’administration fiscale est fondée dans ce cas à rapporter la dispense consentie et à programmer le contrôle fiscal au titre de l’exercice en cause. En conclusion, le contribuable bénéficie au sens des récentes évolutions de la loi fiscale camerounaise, de deux principaux privilèges en matière de contrôle fiscal. Il s’agit du recours à l’arbitrage du DGI et de la dispense de contrôle fiscal. Le premier permet au contribuable de bénéficier de la suspension du contrôle fiscal suivi d’un réexamen des chefs de redressements envisagés par le service de contrôle. Le second quant à lui, donne au contribuable la possibilité d’être dispensé de vérifications et corrections des omissions, erreurs ou inexactitudes révélées dans l’assiette de son impôt. Ce qui lui permet de réaliser des économies. Toutefois, le bénéfice de ces privilèges est subordonné au respect scrupuleux des différentes procédures légales obligatoires y afférentes. A cet effet, les contribuables gagneraient à se faire accompagner par des conseils fiscaux agréés.
Auteur: Luc Gwate Njip, Tax & Legal Consultant; Superviseur: Albert Désiré Zang, Managing Partner